Dans la brume avec les bernaches

 

Depuis que j’ai changé d’emploi, mon rythme de sommeil a pas mal été bouleversé. Travaillant de jour et de nuit, chaque semaine, mon rythme change. Ça a quelques inconvénients, mais aussi un gros avantage. Je suis capable de me lever tôt. Avant c’était toujours une lutte phénoménale dans ma petite tête, entre le confort et la chaleur de mon lit contre le froid, l’humidité et la fatigue. Je sais que les ambiances matinales ont toujours quelque chose de particulier et la passion avait beau être là, j’avais toujours du mal à me motiver à sortir de la couette.

 

Les ailes.

 
 

Le réveil

Ce matin-là, j’étais debout très tôt. J’aime bien prendre mon temps le matin et je ne veux jamais être pressé. Le soleil se lève aux alentours de 6 heures. Je mets donc mon réveil 2 heures avant pour avoir le temps de prendre mon petit déjeuner avec un café bien chaud. La journée d’avant il a fait quand même chaud, et la température annoncée pour ce matin était très froide, ça annonce une belle matinée brumeuse. Le café bien chaud me réchauffe le corps et me donne du courage pour affronter cette matinée froide et humide.

J’avais pris soin de tout préparer la veille au soir. Je m’habille, je vérifie que mon kayak est toujours bien attaché sur la voiture. Je regarde rapidement dans le coffre que j’ai bien ma pagaie, ma veste de flottaison, une bouteille d’eau, des serviettes et tout mon matériel. Tout est là, tout est beau, j’ai de la batterie dans mon appareil photo, ainsi que mes cartes SD. Je me mets en route pour aller au marais qui se trouve à 12 minutes de la maison.

 
 

Toujours des ambiances folles sur ce lac.

 

La chorégraphie

J’arrive sur place un peu en avance, voire un petit peu trop en avance. Il fait encore nuit noir. Mais je veux avoir le temps de débarquer mon kayak, préparer mes affaires et me mettre sur l’eau avant que le soleil ne pointe le bout de son nez. J’essaie toujours d’être le plus discret possible et chacun de mes mouvements est calculé et je m’assure de faire le moindre bruit possible. Je ne veux pas déranger le voisinage, mais surtout, je ne veux pas déranger la faune locale. Je sais qu’il y a plusieurs familles de castors, de loutres et tout plein d’autres qui résident autour de ce lac, si je commence à faire trop de bruit, je ne verrais personne. 

 

Malgré le manque de lumière, j’essaie de faire de belles photos.

 

Je commence donc par enlever les sangles qui retiennent le kayak sur la voiture. Je les enroule autour de mon bras, puis les range dans l’auto dans la porte pour les avoir au moment de remettre le kayak sur le toit. Ensuite j’attrape mon kayak et le soulève au-dessus de ma tête, je le fais descendre pour qu’il s'accote sur mes cuisses, puis je le laisse glisser jusqu’au sol, dans l’herbe en arrière de la voiture. Après ça, je me dirige vers le coffre. Je sors les serviettes et les mets dans le fond du kayak (elles me serviront pour poser mon appareil photo ainsi que mes jumelles pour éviter qu’ils fassent trop de bruit et pour les empêcher de trop bouger). J’installe mon appareil photo, mes jumelles, mes lunettes de soleil. Tout ça va entre mes jambes. Ensuite j’installe ma bouteille d’eau, en arrière dans le kayak. Une pagaie de secours à l’avant, ma pagaie dans le cockpit et je me dirige vers le lac. Je tire mon kayak par l’arrière (pour ne pas endommager ma dérive) en faisant attention d’éviter les roches au sol (ça ferait trop de bruit) dont je connais l’emplacement à force de revenir ici souvent. Je positionne mon kayak face au lac, les trois quarts dans l’eau, j’embarque dedans depuis la terre ferme puis je me pousse pour enfin être sur le lac. Toute une chorégraphie.

 

De la brume, des bernaches et c’est pour moi une matinée réussie.

 
 

Enfin à l’eau

Me voilà enfin sur l’eau. Et cette matinée, le lac est encore bien différent de toutes les autres. Il y a une brume épaisse et je ne vois pas 10 mètres en avant de moi, mais j’entends déjà les bernaches qui se réveillent et qui ont besoin de parler. C’est ça que je trouve incroyable avec les bernaches. J’ai toujours l’impression qu’elles sont en train de jaser. 

Je pagaie en direction du bruit que j’entends. Chaque coup de pagaie est réfléchi. Je m’assure de faire le moindre bruit possible et j’évite à chaque fois de toucher les bords de mon kayak (sur les bons conseils de Jean-Simon Bégin dans son cours sur la photographie en kayak). Je vois mes premières bernaches au loin, et tout de suite je sais que cette matinée va être forte en émotion pour moi. J’adore l’ambiance que donne la brume et voir les silhouettes des bernaches qui se dessinent en fond.

 
 
 

L’affût flottant

J’essaie de me rapprocher des bernaches. Je commence donc à pagayer discrètement, mais je ne me dirige pas vers le bruit. J’essaie de m’arranger pour qu’elle se trouve à ma droite, pour éviter une approche directe. Très vite, j’entends plusieurs autres bernaches et je décide de changer de plan. Je sais qu’il y a un petit îlot avec des buissons qui pourraient me dissimuler un peu au milieu du lac. Je vais me stationner ici et je laisserais les bernaches évoluer autour de moi.

Quelle bonne idée j’ai eue. Les bernaches m’ont clairement repéré au bout d’un moment, mais j’avais l’impression d’être accepté. Elles faisaient leurs petites vies autour de moi. J’observais leur routine matinale. Le tout était rythmé par le bruit de leurs conversations. Les bernaches en ont des choses à dire, dommage que je ne puisse pas les comprendre.

 
 

Je profite de cette belle proximité pour effectuer quelques clichés (je rentrerais à la maison avec presque 1000 images).

La matinée avance, et le soleil ne s’est toujours pas présenté. On reste dans cette ambiance bleue et brumeuse. Il fait froid et l’humidité n’aide pas. Je m’étais préparé en conséquence. La tuque bien vissée sur la tête, des chaussettes chaudes, des gants aux mains et je m’étais même offert le luxe d’avoir un polaire sur mon siège, gardant mon popotin au chaud.

 

De la brume, des bernaches et c’est pour moi une matinée réussie.

 

Je dois alterner constamment entre ma pagaie et mon appareil photo. Il y a un léger courant qui avait décidé de me renvoyer en arrière. Je dois donc me remettre dans le bon sens, c’est mieux pour photographier son sujet. Pour ce faire, une fois de plus mes mouvements sont calculés. Lorsque j’ai l’appareil photo en main, je ne veux pas toucher les bords de mon kayak. Ce bruit pourrait effrayer le beau monde avec qui je me trouve. Je me penche donc vers l’arrière pour m’assurer que le gros téléobjectif puisse passer, je le range entre mes jambes et je récupère ma pagaie posée sur le devant de mon kayak. Je la mets à l’eau doucement, pagaie deux, trois coups, puis recommence ma danse en inversant le sens. Je pose ma pagaie sur l’avant du kayak, je saisis mon appareil photo, me recule et tire l’appareil en arrière, puis ensuite je me couche sur l’avant du kayak.

 
 

De temps en temps je me laisse emporter par le léger courant avant de changer de position et d’avoir un nouvel angle pour photographier ces magnifiques oiseaux. Je trouve deux bernaches que j’avais repérées avec mes jumelles. Une est debout sur une roche qu’on ne voit pas et la deuxième lui tourne autour. Elle ne s’éloigne jamais trop l’une de l’autre. Je soupçonne peut-être une mère avec un de ses petits.

 
 

Ces deux là ne se quittent pas.

 
 

L’arrivée du soleil

Petit à petit, je sens un peu de chaleur se poser sur mon visage. Le soleil arrive enfin à percer la brume épaisse. C’est une des rares fois où je peux regarder le soleil. L’effet que ça donne sur le lac est des plus saisissants. Une immense boule orange, qui se lève en arrière des arbres et qui rend toute la brume orange. Le bleu et le froid nous quittent pour laisser place à des tons orange et la chaleur arrive aussi avec cette nouvelle couleur.

Tout ça ne durera qu’un court instant. Un spectacle éphémère, disponible seulement pour ceux qui se lèvent tôt et qui étaient présents. Comme souvent en nature, il faut être là au bon endroit au bon moment. Cette fois, j’ai eu de la chance et j’ai eu droit à tout un spectacle. Et pour couronner la fin du spectacle, les bernaches décident à leur tour de quitter le lac, pour aller se nourrir dans les champs. Je les vois s'envoler, la première commence à battre des ailes, puis tout le groupe la suit. Des petits groupes, des grands groupes, des fois justes une toute seule. Je ne comprends pas toute la logique derrière ce ballet, j’essaie juste d’en profiter. Voir les ailes se déployer et s’envoler vers le ciel me fait rêver. Moi je reste là, le cul bien vissé au sol, sachant que je ne connaîtrais jamais cette liberté, m’envoler et aller où le vent me porte. Je les regarde partir, rêveur.

 

Tout ça ne durera qu’un court instant. Un spectacle éphémère, disponible seulement pour ceux qui se lèvent tôt et qui étaient présents. Comme souvent en nature, il faut être là au bon endroit au bon moment. Cette fois, j’ai eu de la chance et j’ai eu droit à tout un spectacle. Et pour couronner la fin du spectacle, les bernaches décident à leur tour de quitter le lac, pour aller se nourrir dans les champs. Je les vois s'envoler, la première commence à battre des ailes, puis tout le groupe la suit. Des petits groupes, des grands groupes, des fois justes une toute seule. Je ne comprends pas toute la logique derrière ce ballet, j’essaie juste d’en profiter. Voir les ailes se déployer et s’envoler vers le ciel me fait rêver. Moi je reste là, le cul bien vissé au sol, sachant que je ne connaîtrais jamais cette liberté, m’envoler et aller où le vent me porte. Je les regarde partir, rêveur.

 
 

“Moi je reste là, le cul bien vissé au sol, sachant que je ne connaîtrais jamais cette liberté, m’envoler et aller où le vent me porte. Je les regarde partir, rêveur.”

 
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Puissance